Sécheresse et restriction d’eau : la faute à l’agrobusiness du maïs ?💧🌽

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Le réchauffement climatique se traduit concrètement dans nos zones tempérées par une recrudescence des périodes de sécheresse.

En Espagne, cela dure depuis presque 3 ans. Depuis 2021, le manque d’eau se traduit par des niveaux de remplissage des réservoirs 20% plus bas que la moyenne décennale et la distribution d’eau dans les villages reculés.

La dernière vague de chaleur a détruit 60 % des récoltes de céréales du pays.

En France, les distributions d’eau aux particuliers ont déjà commencé. Et la semaine passée a été le théâtre dans les médias et sur les réseaux sociaux de discussions plus ou moins enflammées sur l’eau douce consommée par l’irrigation du maïs en France.

Un quart de l’eau consommée par l’irrigation du maïs ?

▶️La députée Aurélie Trouvé a ouvert le ban en affirmant que 25 % de l’eau consommée en France partait dans l’irrigation du maïs. Une culture qui serait essentiellement destinée à alimenter les élevages et l’agrobusiness. Selon la députée, 50% de l’eau est consommée par l’irrigation et 50% des surfaces irriguées en France sont des cultures de maïs.

S’en sont suivis discussions, factchecking et appels à experts de la part de grands et petits médias nationaux et régionaux ou de twitteurs plus ou moins experts pour arriver à la conclusion que oui mais non… c’était quand même plutôt 18 % voire 22 % ou encore 23 % (passons sur les confusions plus ou moins volontaires entre eau consommée et eau prélevée).

Finalement le débat a (mal) porté sur la précision d’un chiffre 🥱… celui sur la priorisation des usages d’une ressource qui se raréfie est resté à sec.

Un peu comme avec l’électricité nucléaire il n’y a pas si longtemps… et la réalisation que les décisions sont prises sans aucune réflexion sur les conséquences.

Une eau qui sert à égalité les exportations et l’alimentation d’origine animale

Le maïs irrigué capte 20 % à 25 % de la consommation totale d’eau, c’est une part a priori significative de nos ressources. De plus, son pic de demande a lieu l’été, période de compétition maximale entre les usages de l’eau.

Le maïs est destiné majoritairement à l’alimentation animale. L’irrigation concerne un tiers de la production en volume de maïs français [Agreste].

✅La répartition de l’eau d’irrigation du maïs proportionnellement aux usages du maïs montre que :

  • la majorité de l’eau sert à la production de maïs pour l’exportation (35 % à 40 % suivant les années)
  • environ un quart est divisé équitablement entre la production d’aliments pour les élevages de porcs et de volailles (dont un peu moins d’un tiers pour la production d’œufs)
  • l’alimentation humaine correspond à l’utilisation d’un cinquième de l’eau d’irrigation du maïs
  • le reste part dans la production d’alimentation pour bovins (bovins à viande et vaches laitières).

✅En France, l’irrigation correspond aux plus gros apports en eau de la plante et se pratique pour l’essentiel en été. Avec la montée des températures qui se dessine, les besoins risquent d’augmenter.

Si on considère que l’irrigation du 🌽 représente la borne haute de 25 % de l’eau consommée en France (c’est arbitraire 🙂 voir dans les détails méthodologiques), ses usages se décomposent en :

  • ~10  % au bénéfice d’autres pays via les exportations (en majorité pour l’alimentation animale)
  • ~10 % produit de l’alimentation pour les élevages en France
  • ~5 % est utilisé pour l’alimentation humaine

✅La dizaine de pourcents d’eau qui sert à cultiver le 🌽 à destination des élevages français est répartie ainsi :

  • ~3 % se retrouve dans l’alimentation des porcs
  • un peu moins de 4 % vise à produire des aliments pour les élevages de volailles, dont un peu plus d’un quart (1 %+) se retrouve dans la production d’oeufs
  • un peu plus de 4 % produit du maïs pour les élevages bovins (viande et lait)

Restriction de l’irrigation du maïs : que fera le consommateur de produits animaux ?

✅Que ce soit de l’ordre de 20 % ou 25 %, l’irrigation du maïs représente une part significative de la consommation d’eau. Il est tentant d’y trouver un gisement d’économie aux prétextes de l’accaparement par l’agrobusiness ou l’élevage d’animaux.

Pour ne pas se retrouver dans quelques années avec une commission s’interrogeant sur la perte de souveraineté alimentaire ou en eau de la France, il est bon d’en considérer les conséquences :

  • Réduction des exportations : les ¾ de l’eau nécessaire à notre mode de vie sont importés (eau de production de tomates importées d’Espagne par exemple),  en diminuant nos exportations de maïs, et donc indirectement d’eau, nous aggravons ce déséquilibre et entrons dans une spirale pas forcément à notre avantage. Si nous ne voulons pas “exporter” notre eau, d’autres peuvent faire de même.
  • Élevages bovins français : l’eau du 🌽 se répartit entre la production de viande et de lait, la viande seule représente probablement de l’ordre de 1 % à 2 % de la consommation 💧. Une économie 💧 qui risque de précariser une filière tout en augmentant nos importations si les comportements des consommateurs n’évoluent pas dans le même sens.
  • Élevages de porcs et de poulets : 5 à 7 % de gain en 💧 (une part sert à la production d’oeufs), mais avec une empreinte carbone plus faible que la viande rouge, cela pose un dilemne avec l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Comme pour les bovins, si la demande des consommateurs ne baisse pas en parallèle, les importations augmenteront.

Par ailleurs d’autres pistes d’économie 💧 existent, à commencer par la reconnaissance de l’importance de l’eau en réduisant les pertes des réseaux de distribution. 

Eau potable : l’équivalent de l’irrigation du maïs gaspillé chaque année

Alors que la disponibilité à venir de l’eau douce interroge, les pertes du système de distribution d’eau potable sont d’environ 20 % selon le ministère de la transition écologique. Un niveau de perte qui est aujourd’hui proche du milliard de m3 d’eau douce par an.

Un taux de perte constant depuis 10 ans, signe d’une volonté farouche d’améliorer la situation… et à comparer au milliard de m3 d’eau douce consommées par l’irrigation du maïs.

Détails méthodologiques et données

✅Eau prélevée et eau consommée, les définitions du ministère de la transition écologique :

  • Le prélèvement d’eau, ou prélèvement brut d’eau douce, est l’eau douce prélevée dans les milieux aquatiques (pluies, rivières, etc.).
  • L’eau consommée, aussi appelée prélèvement net en eau douce, est le prélèvement brut d’eau douce qui n’est pas restitué aux milieux aquatiques (eau évaporée ou incorporée dans le sol, les plantes ou les produits). 

✅L’essentiel des prélèvements de l’agriculture est dû à l’irrigation (c’est d’ailleurs généralement la seule donnée qui est disponible). Ils représentent 9 % à 10 % des prélèvements d’eau en France sur les dix dernières années, soit un peu moins de 3 milliards de m3 par an.

La particularité du secteur est que plus de 80 % de l’eau prélevée est consommée (ie non restituée aux milieux aquatiques). En France, près de 60 % de l’eau consommée est le fait de l’irrigation des cultures :

  • ~58 % en moyenne entre 2010 et 2019
  • ~62 % sur la seule année 2019.

✅Par rapport aux près de 2 500 millions de m3 d’eau consommée par l’irrigation, l’abreuvement des bêtes, le nettoyage, etc. ne représentent qu’environ ~300 millions de m3. Ce volume est d’autre part un prélèvement d’eau et non une consommation. Selon l’Institut de l’élevage [idele.fr],  1 % de l’ensemble des prélèvements d’eau en France concerne l’abreuvement des bêtes, le nettoyage, etc. et une partie est restituée aux milieux aquatiques.

Il est raisonnable de considérer que la consommation d’eau de l’agriculture est quasi entièrement le fait de l’irrigation et correspond à environ 60 % de l’eau douce consommée en France.

✅D’autre part, la part des surfaces agricoles de maïs irriguées est, suivant la rigueur des factcheckers, 32 % (maïs grain et semence selon une publication de l’Agreste) ou 40 % (maïs grain, semence et fourrage selon la base de données Agreste).

Selon la base de donnée Agreste, les surfaces de maïs irriguées représentent ~730 000 ha soit un peu moins de 40 % des ~1 830 000 ha de surfaces agricoles irriguées :

  • Maïs grain/semence irriguées : ~630 000 ha (37 % des surfaces de maïs grain/semence)
  • Maïs fourrage et ensilage irriguées : ~90 000 ha (6,5 % des surfaces de maïs fourrage)

▶️Les différents résultats de consommation d’eau du maïs irrigué proposés ici et là dans les médias et sur Twitter : 

  • 18 % = 58 % (consommation moyenne irrigation 2010-2019) X 32 % (surf maïs grain et semence)
  • 22 % = 57 % (idem ci-dessus mais 57,7 arrondi à 57 🙂) X 40% (surf maïs grain, semence et fourrage)
  • 23 % = 58 % (cf ci-dessus) X 40 % (surf maïs grain, semence et fourrage)
  • 25 % = 62 % (consommation 2019 irrigation) x 40 % (cf ci-dessus).

Peu ont fait remarquer que multiplier le volume total de l’eau d’irrigation par la surface de maïs irriguée puis ergoter sur des différences de quelques pourcents était stérile sans se poser la question de la consommation d’eau d’irrigation du maïs par rapport aux autres cultures. 

En l’absence de données fiables sur la consommation 💧 à l’hectare du maïs irrigué, des experts auraient pu faire remarquer que même si c’était 20 % de moins que la moyenne des cultures, la contribution de l’ensemble des surfaces de maïs irriguées resterait significative avec plus de 18% de l’ensemble de l’eau douce consommée annuellement en France :

58 % (consommation moyenne 💧)  X 40 % (part du 🌽 dans les surfaces irriguées) X 80 % (le 🌽 consomme 20 % de moins que les autres cultures)

=

18,6 %

Cela reste une part significative de la consommation d’eau.

Une consommation d’eau du maïs irrigué de l’ordre de 20 % à 25 % de l’ensemble de l’eau consommée en France semble une bonne base de discussion, qui est de plus probablement amené à augmenter avec la hausse des températures en été.

✅Bien que globalement peu gourmand en eau par rapport à d’autres cultures [CNRS], en France, une grande part doit être apportée durant la période estivale.

Cnrswww.lgseeds.fr

✅En 2021, le rendement du maïs grain irrigué est environ 20 % plus élevé (ratio qui varie suivant les années) :

  • 11,7 T/ha en irrigué
  • 9,8 T/ha en non irrigué.

✅Le maïs fourrage représente un peu plus de 10 % des surfaces de maïs irriguées [Agreste] et consomme globalement moitié moins d’eau [CNRS]. Il est donc probable que 90 % ou plus de la consommation d’eau du maïs irrigué est due au maïs grain/semence.

✅La production en volume du maïs grain et semence est d’environ 15 millions de tonnes en 2021, dont ~5 millions de tonnes de maïs irrigué. Sa répartition par secteurs est variable suivant les années [Agreste] et de l’odre de :

  • ~20 % alimentation humaine (maïs grain)
  • ~40 % alimentation animale en France
  • ~40 % exportation (majoritairement pour l’alimentation animale, quasiment aucune importation – ~0,5 millions T)

La production en volume de maïs fourrage est de 17, 6 millions de tonnes, dont 1,1 millions de tonnes proviennent de l’irrigation. Elle est entièrement destinée aux élevages bovins et ovins sans détails sur la répartition.

Du fait des différences de rendements et de volumes de matières sèches des types de maïs (grain, semence et fourrage), cette répartition en volume correspond à plus de 85 % des surfaces de maïs destinées à la production pour les élevages [maisculturedurable.com].

✅Répartition de la consommation en volume de maïs grain par les élevages en France [Solagro] 🇫🇷:

  • Bovins 21 %
  • Porcs 37 %
  • Volaille 42 % (chair-15 %, œuf-12 %, palmipèdes gras-15 %)

✅En postulant que l’eau d’irrigation est consommée à 90 % par le maïs grain, que 25 % de l’eau consommée en France va au maïs irrigué, que 40% du maïs produit est utilisé par les élevages français et que le maïs fourrage est entièrement consommé par les bovins : 

  • 3,3 % 💧consommée en France => 🌽porcs 
  • 3,8 % 💧consommée en France => 🌽volailles (avec 💧viande 1,4 %, 💧œuf 1 % et 💧autres volailles 1,4 %)
  • 4,4 % 💧consommée en France => 🌽bovins (💧 grain 1,9 %, 💧fourrage 2,5 %)

Exemple de calcul pour la part du maïs grain des élevages bovins :

  • 25 % (la conso 💧 de l’irrigation🌽)
  • X 90 % de l’💧 (irrigation des 🌽 grain)
  • X 40 % (part du🌽 pour élevages FR)
  • X 21 % (part de la consommation du 🌽 par les élevages bovins FR)
  • +
  • 25 % (la conso 💧 de l’irrigation🌽)
  • X 10 % de l’💧 (irrigation des 🌽fourrages)

▶️En première approximation, la répartition des usages de l’eau consommé en France :

  • ~3 % 💧consommée en France => 🌽 alimentation porcs (~130 millions m3 💧)
  • moins de 4 % 💧consommée en France => 🌽 alimentation volailles (~150 millions m3 💧)
  • plus de 4 % 💧consommée en France => 🌽 alimentation bovins (~180 millions m3 💧)
  • ~5 % 💧consommée en France => 🌽 alimentation humaine (~200 millions m3 💧)
  • ~10 % 💧consommée en France => 🌽 pour l’exportation (~400 millions m3 💧)

✅Empreinte eau des français : estimation du volume d’eau utilisé durant le cycle de vie d’un produit, depuis l’extraction des matières qui le composent jusqu’à son élimination (source : JO du 13 juillet 2012).

Cela concerne l’eau « bleue » : l’eau issue des prélèvements effectués dans les eaux souterraines (nappes) et superficielles (rivières, lacs) pour l’eau potable, l’irrigation, l’utilisation industrielle et le refroidissement des centrales de production d’électricité.

https://www.eaufrance.fr/sites/default/files/2020-12/datalab_80_chiffres_cles_eau_edition_2020_decembre2020.pdf

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