Minage des fonds marins : va-t’on succomber à l’ivresse des profondeurs ?

Publié le Aucun commentaire sur Minage des fonds marins : va-t’on succomber à l’ivresse des profondeurs ?

À la COP 27 de de Charm el-Cheikh fin 2022, Emmanuel Macron avait annoncé vouloir interdire l’exploitation des fonds marins à des fins d’extraction minière. Un revirement de position de la part de la France qui dispose par ailleurs du deuxième plus grand espace maritime mondial.

Dans la foulée, l’Assemblée nationale a voté en début d’année 2023 un texte visant à interdire l’exploitation minière des fonds marins

  • « dans le cadre d’un moratoire, l’interdiction de l’exploitation minière des fonds marins en haute mer tant qu’il n’aura pas été démontré par des groupes scientifiques indépendants et de manière certaine que cette activité extractive peut être entreprise sans dégrader les écosystèmes marins et sans perte de la biodiversité marine ».
  • les députés demandent que la France « bloque l’adoption de toute réglementation pour l’exploitation minière des fonds marins » par l’Autorité internationale des fonds marins.

Les sociétés minières mettent la pression

Les sociétés minières se sont empressées de sortir du bois en argumentant que les sources terrestres pour certains métaux nécessaires à la production de batteries pour les véhicules électriques, la fabrication de panneaux solaires ou encore d’éoliennes sont en voie d’épuisement. Aller les chercher sous les océans serait donc indispensable à la transition énergétique… pendant que des scientifiques tirent la sonnette d’alarme sur les dégâts irréversibles attendus sur la biodiversité marine par ces procédés de minage très destructifs. 

Si la diminution des ressources facilement exploitables de certains métaux dans la croûte terrestre est confirmée, il est à craindre que les miner coûte de plus en plus cher, faisant ainsi augmenter le prix des biens pour les consommateurs (voitures électriques, coût de l’électricité, panneaux solaires etc.). Sans compter la raréfaction des énergies fossiles rendant les extractions plus difficiles et sûrement plus chères.

Dans le cadre d’un mécontentement de la population dû à une hausse des prix, le gouvernement tiendra-t-il le cap ou cédera-t-il finalement à l’appel des sirènes du minage des fonds marins ? (certains analystes commencent à exprimer l’hypothèse que les récentes émeutes déclenchées par le meurtre du jeune Nahel sont sous tendues par l’inflation, en particulier alimentaire, source d’une “sobriété” forcée de la consommation : une baisse de près de 20 % sur les achats d’alimentation depuis début 2022 selon les derniers chiffres de l’INSEE).

Les arbitrages se font bien souvent au détriment de la biodiversité

On se souvient que du fait de la canicule de 2022, les centrales nucléaires ont eu 24 jours de dérogation pour les rejets d’eau chaude dans les rivières au-dessus de la norme autorisée. Cette norme encadrée par l’Agence de sûreté nucléaire protège la biodiversité aquatique.

Dans un article de 2022 de Sciences et Avenir, Jérémy Lobry, spécialiste de la biodiversité aquatique à l’INRAE indiquait : « Nous faisons l’hypothèse que les poissons peuvent éviter les zones les plus chaudes. En revanche, c’est sûr qu’il y a des impacts physiologiques directs à court terme sur la faune moins mobile comme les crustacés, les mollusques et les invertébrés type polychètes. Ces impacts directs peuvent se traduire par une augmentation de la mortalité locale.« 

Cette analyse est confirmée par une note technique de l’ASN étudiant les conséquences des dérogations sur les milieux aquatiques.

L’organisme souligne que, pour satisfaire à la consommation d’électricité, des dérogations ont été accordées au détriment des biotopes. 

En raison de cette situation exceptionnelle, les limites des rejets thermiques en vigueur étaient susceptibles d’être dépassées, ce qui aurait dû conduire à la réduction de la puissance, voire à l’arrêt des réacteurs de centrales nucléaires concernées. RTE a exprimé, dès juillet 2022, le besoin de maintenir, pour ces centrales nucléaires, un niveau minimum de production pour assurer la sécurité du réseau électrique. De plus, à compter d’août 2022, le Gouvernement a souhaité maintenir autant que possible la production électrique des centrales nucléaires pour préserver les réserves de gaz naturel et d’eau des barrages hydroélectriques en vue de l’automne et de l’hiver 2022-2023.” Extrait de la note de l’ASN 

Comme pour les américains… notre mode de vie ne serait donc pas négociable ?

Les résultats à posteriori ont montré un retour à la normale assez rapide dans la majorité des cas, semble-t-il sans conséquences durables. Pour autant dans un cas (centrale de Saint Alban), le retour à la normale n’était toujours pas observé au moment de la fin de l’étude d’impact : il y avait toujours un déficit en nombre de poissons les plus jeunes entre amont et aval.

Pour la centrale de Saint-Alban, les suivis du phytoplancton et du peuplement des diatomées benthiques pendant l’été 2022 ont marqué une légère différence entre l’amont et l’aval, qui n’a pas perduré à l’issue de la période estivale. Par ailleurs, les résultats du suivi de la structure du peuplement piscicole ont montré une différence entre l’amont et l’aval pour les plus jeunes poissons. Cette différence persistait lors des observations réalisées à l’automne 2022. Ces premières observations ne permettent pas à ce stade de distinguer l’impact de la centrale de celui lié à d’autres paramètres écologiques. Le suivi du peuplement piscicole s’est poursuivi au printemps 2023 afin de compléter les premiers résultats observés en 2022 et de mieux en comprendre l’origine.” Extrait de la note de l’ASN 

L’été dernier, les autorités ont ainsi préféré arbitrer en faveur de la production d’électricité en faisant peser le risque sur la biodiversité, risque qui n’a réellement été estimé qu’à postériori.

Les conséquences dans ce cas sont relativement minimes aujourd’hui. Toutefois les arbitrages effectués montrent que les Américains ne sont pas forcément les seuls à penser que leur niveau de vie n’est pas négociable (au même titre par exemple que les allemands qui rouvrent leurs centrales à charbon).

Des arbitrages complexes amenés à se multiplier

Ces “dilemmes” sont amenés à se multiplier dans le cadre du réchauffement climatique avec une raréfaction des énergies fossiles, une augmentation des coûts d’extraction de minerais ou encore la multiplication d’événements climatiques extrêmes…

Les arbitrages à la défaveur de la biodiversité, s’ils calment momentanément la situation de court terme, ne feront qu’aggraver les conséquences à long terme.

Ces décisions se prennent aujourd’hui dans le cadre de “situations exceptionnelles” comme le mentionne le rapport de l’ASN.

Or les scientifiques du GIEC indiquent que plus on tarde à prendre le problème du réchauffement climatique au sérieux en baissant drastiquement nos émissions, plus le risque de voir ce qui était exceptionnel devenir la norme est grand.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

cinq × 3 =


Warning: Undefined array key "sfsi_riaIcon_order" in /home3/piratesd/public_html/baxel.fr/wp-content/plugins/ultimate-social-media-icons/libs/controllers/sfsi_frontpopUp.php on line 165

Warning: Undefined array key "sfsi_inhaIcon_order" in /home3/piratesd/public_html/baxel.fr/wp-content/plugins/ultimate-social-media-icons/libs/controllers/sfsi_frontpopUp.php on line 166

Warning: Undefined array key "sfsi_inha_display" in /home3/piratesd/public_html/baxel.fr/wp-content/plugins/ultimate-social-media-icons/libs/controllers/sfsi_frontpopUp.php on line 252
error

Vous avez aimé la visite ? Merci de partager !