Dilemme : obligation de choisir entre deux partis possibles, comportant tous deux des inconvénients.
Le projet Amazonas* traite de la déforestation au Brésil dans le bassin amazonien.
Les conclusions de l’étude sont un exemple des enjeux contradictoires auxquels font face les zones les plus défavorisées du monde : se développer vs sauver la planète.
On a parfois de l’Amazonie l’image réductrice d’une forêt peuplée de tribus. Elle abrite pourtant en son cœur des villes de plusieurs centaines de milliers d’habitants, dont Manaus sa capitale côté brésilien, une mégapole hétéroclite à la population proche de celle de Paris. S’y croisent autant des jeunes qui n’ont jamais mis les pieds dans la forêt amazonienne qui les entourent que des pêcheurs qui transportent des gens sur le fleuve.
Le projet Amazonas a tenu compte de cette diversité et a questionné environ 200 personnes de l’État d’Amazonas sur « leur intérêt pour les enjeux de déforestation et quelle relation ils entretiennent avec la nature qui les entoure. »
Même s’ils sont globalement opposés à la déforestation, certains y restent favorables. Un résultat encourageant si on considère que la déforestation est une des rares sources de revenus dans cette région d’un pays où la pauvreté et la faim touchent plus de 30 millions de personnes.
Autres enseignements tirés de l’étude :
- les femmes, moins souvent propriétaires, se déclarent moins concernées par la déforestation
- il n’y a pas d’effet générationnel, les jeunes ne se déclarant pas plus concernés que leurs aînés.
Il n’y a pas vraiment de mystères. Exploiter la forêt peut représenter pour une population pauvre l’unique moyen de subsistance. Rendre sa protection acceptable par les locaux demande de leur offrir d’autres sources de travail et de revenus.
Pour Lauriane Mouysset du projet Amazonas, « les institutions internationales pourraient gagner en efficacité si elles s’associaient à l’ensemble des Amazoniens, y compris urbains. »
C’est certainement vrai. Mais je rajouterais un élément fondamental, cette association doit inclure un financement des populations locales des pays du Sud qui font face à ce dilemme entre survivre en déforestant et protéger la forêt.
Difficile de pousser des cris d’orfraie dans les pays riches, de clamer que l’Amazonie est primordiale pour la biodiversité et la captation de CO2 à l’échelle mondiale (et donc pour tous les pays de la planète)….et de ne pas mettre les moyens pour la préserver.
Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU, enfonce le clou :
« L’humanité a un choix : coopérer ou périr. C’est soit un Pacte de solidarité climatique soit un Pacte de suicide collectif ».
Mais les pays riches, qui sont aussi ceux qui présentent le plus de responsabilités dans le dérèglement climatique sont-ils prêts à mettre la main au porte monnaie ?
Les premières réunions préparatoires à la COP 28 (laquelle sera sous la houlette du PDG de la compagnie pétrolière des Emirats arabes unis premier exportateur mondial de pétrole brut) viennent de se tenir à Bonn et les retours ne sont pas encourageants.
Les pays du Sud les plus pauvres – qui sont en première ligne face aux conséquences du réchauffement climatique et qui subissent déjà des événements extrêmes engendrant déplacements de population et privation de moyens de subsistance – demandent aux pays riches de les aider comme ils s’y étaient engagés lors de la COP 15 en 2009… en commençant par s’acquitter des financements promis soit 100 milliards/an d’ici à 2020 !
Selon un rapport de l’association Oxfam, les aides effectivement versées se montaient en 2020 à… 11,5 milliards de dollars.
Devant ce rappel à leurs engagements et la demande des pays du Sud de parler dorénavant à la fois financement ET adaptation… les pays riches ont fraîchement réagit en arguant que certains pays émergents (pourquoi pas la Chine par exemple) devraient peut-être dorénavant eux aussi payer.
Commentaire d’un des négociateurs des pays du Sud ayant en mémoire les précédents engagements non tenus : “[cela est] préoccupant et inquiétant” (“concerning and worrisome” en bon anglais)
Il semble que les oursins, sans doute menacés d’extinction par le réchauffement des océans, aient trouvé un sanctuaire… les poches des pays riches.
*Le projet Amazonias est porté par Lauriane Mouysset, chargée de recherche en économie écologique au Centre international de recherche sur l’environnement et le développement, et le photographe Emeric Fohlen.
Sources :
Article du CNRS sur le projet Amazonas : https://lejournal.cnrs.fr/articles/deforestation-le-dilemme-des-amazoniens
Article de Carbonbrief sur les discussions préparatoires à la COP28 : https://www.carbonbrief.org/bonn-climate-talks-key-outcomes-from-the-june-2023-un-climate-conference/
Un compte-rendu de la première semaine de négociation à Bonn de l’agenda de la prochaine COP28
http://environment.umn.edu/news/loss-and-damage-fund-bonn/